Par sa fréquence et sa gravité potentielle, la fibrillation atriale (FA) reste un défi majeur en médecine cardiovasculaire.
Les enjeux en termes de coûts de santé s’annoncent très importants dans les années à venir.
Sa prévalence est estimée à 0,4 % de la population générale et augmente de façon exponentielle avec l’âge :
- inférieure à 1 % chez les patients de moins de 60 ans, elle dépasse 6 % au-delà de 80 ans
- 70 % des patients en FA ont entre 65 et 85 ans. Même après ajustement sur l’âge, son incidence a progressivement augmenté au cours des 30 dernières années, comme l’a montré l’étude de Framingham.
Principaux risques évolutifs
Risque thrombo-embolique : la prévention des AVC du sujet âgé
Le taux annuel d’accidents emboliques cérébraux chez les patients en FA est en moyenne de 5%, soit 2 à 7 fois plus élevé que chez les patients appariés, indemnes de FA. Un accident vasculaire cérébral ischémique sur 6 survient dans un contexte de FA. Le risque embolique lié à la FA augmente avec l’âge, passant de 1,5 % chez les patients âgés de 50 à 59 ans, à 23,5 % pour les patients âgés de 80 à 89 ans. Ainsi, le problème de la prévention se pose avec une particulière acuité chez les sujets âgés.
Mortalité : la FA est un facteur indépendant
Le taux de décès chez les patients en FA est le double de celui observé chez les patients en rythme sinusal. L’étude AFFIRM a confirmé que, quelles que soient les options thérapeutiques, le seul fait d’être en FA s’accompagnait d’une surmortalité. De plus, il existe un lien fort entre la surmortalité associée à la FA et l’existence ou la sévérité de la cardiopathie sous-jacente. La FA n’est isolée que dans une minorité de cas.
Insuffisance cardiaque
Il est clairement établi que la FA est un facteur fréquent d’aggravation d’une insuffisance cardiaque préexistante. Mais il n’est pas démontré que la FA soit un facteur indépendant de mauvais pronostic dans l’insuffisance cardiaque chronique. La FA paroxystique ou permanente peut aussi créer, à elle seule, une dysfonction systolique ventriculaire gauche (tachycardiomyopathie) et une insuffisance cardiaque sévère, susceptibles de régresser totalement après restauration d’un rythme sinusal stable ou contrôle drastique de la fréquence cardiaque.
Des efforts majeurs restent à entreprendre pour optimiser la prise en charge globale !
Les progrès des vingt dernières années démontrent que malgré le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à mieux prévenir le risque embolique (évaluation du risque individuel par des scores, codification du traitement anticoagulant) et à contrôler l’arythmie (développement spectaculaire des techniques d’ablation), la prise en charge de la FA reste difficile au quotidien, et demeure source de fréquentes désillusions pour le médecin et le patient.
Concrètement pour optimiser la prise en charge globale de la FA, nous devrons :
- Développer une meilleure connaissance épidémiologique : peu de données sont disponibles sur la présentation actuelle de la FA et son retentissement, à l’échelle de la France. L’influence des récentes évolutions démographiques est mal connue.
- Améliorer la prévention du risque embolique par une meilleure organisation de la surveillance ambulatoire du traitement anticoagulant et parallèlement, améliorer le développement et l’évaluation de nouvelles thérapeutiques anti-thrombotiques alliant efficacité et sécurité au long cours, principalement chez les sujets âgés. Les résultats des travaux les plus récents, certains décevants, d’autres encourageants, imposent de mobiliser les forces dans cette direction.
- Prévenir les récidives de FA et éviter son évolution vers une forme permanente constituent en théorie les meilleurs moyens de limiter les conséquences cliniques. Malheureusement, faute d’outils thérapeutiques performants, les récentes évaluations d’une stratégie de maintien du rythme sinusal se sont avérées décevantes.
- Améliorer la prévention de l’arythmie elle-même, en identifiant les armes thérapeutiques offrant un rapport bénéfice/risque favorable. De nouvelles stratégies de traitements médicamenteux, interventionnels ou mixtes doivent être développées et évaluées. Elles incluent les nouveaux anti-arythmiques ainsi que les médicaments agissant sur le remodelage du tissu atrial.
- Intensifier l'évaluation des techniques curatives d'ablation endocavitaire et mieux définir leur place dans la prise en charge globale de la FA : elles devraient connaitre des développements technologiques majeurs, visant à simplifier la procédure, à augmenter son efficacité et à réduire les risques.
Ainsi, des efforts importants doivent être entrepris allant d’une meilleure connaissance des mécanismes à l’échelon cellulaire - incluant les analyses génétiques - à l’identification de cibles thérapeutiques nouvelles, puis au développement et à l’évaluation clinique “d’outils thérapeutiques” spécifiques.
Les enjeux à l’échelon individuel et de la santé publique justifient un investissement sociétal et économique responsable de tous les acteurs pour contrer ce qui a été présenté, avec l'insuffisance cardiaque, comme l’une des deux grandes “épidémies” en médecine cardiovasculaire pour le XXIème siècle.